Le Monde.fr : Hôpitaux : le gouvernement fixe une même hausse des tarifs dans le public et le privé
En annonçant, lundi 24 mars, une augmentation globale de 0,5 % des tarifs des séjours hospitaliers en 2025, le ministère de la santé a défendu cette année l’égalité de traitement entre tous les établissements.
Par Camille Stromboni
Publiéle 24/03/2025
Il s’agit de chiffres scrutés de près dans les hôpitaux, publics comme privés : les tarifs des séjours hospitaliers, fixés par l’Etat chaque année, déterminent une grande partie de leurs budgets, avec le système de financement de la tarification à l’activité (les séjours des patients se voient attribuer des tarifs reversés ensuite par l’Assurance-maladie aux établissements). Très attendue, la « campagne tarifaire » 2025, comme on l’appelle dans le jargon administratif, a été dévoilée, lundi 24 mars, par le ministère de la santé, dans une période particulièrement tendue avec des hôpitaux confrontés à des déficits inédits. L’évolution globale sera de + 0,5 %.
Cette hausse est actée pour l’ensemble des établissements de santé (publics, privés à but non lucratif, privés à but lucratif), avec un soutien plus marqué vers la pédiatrie, la psychiatrie ou encore les soins palliatifs et la réanimation, ont fait savoir les ministres Catherine Vautrin et Yannick Neuder, qui partagent le portefeuille de la santé. L’enveloppe doit permettre aussi de soutenir les établissements en difficulté, dont certains peinent encore à retrouver leur activité depuis la sortie de la crise du Covid-19, avec 240 millions d’euros affectés à cette fin.
L’adoption de la loi de financement de la sécurité sociale 2025, intervenue avec plusieurs mois de retard, en février, a abouti à un objectif national des dépenses d’assurance-maladie – l’enveloppe fixée à l’hôpital et à la médecine de ville – en hausse de 3,4 %, avec 1 milliard d’euros « de plus » pour l’hôpital par rapport au texte initial présenté par le gouvernement Barnier à l’automne 2024. Un effort qui a permis de « garantir ces tarifs positifs », a défendu Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, tout en se disant « très consciente de la situation financière dégradée des établissements de santé ».
« Equité totale »
Les déficits des hôpitaux explosent depuis deux ans : ils s’élèvent à 2,8 milliards d’euros dans le public en 2024, principalement en raison de l’inflation, et des revalorisations salariales non compensées par l’Etat, selon la Fédération hospitalière de France (FHF). Sans surprise, des nouveaux tarifs de + 0,5 % ne permettent pas de faire face à l’« évolution des charges », a jugé la FHF, qui a chiffré, en mars, la « dette sanitaire » à trois millions de séjours qui n’ont pu être réalisés depuis la crise due au Covid-19.
« L’hôpital public est en danger, et il y a une dette qui concerne surtout des spécialités que nous portons, comme la chirurgie lourde, soutient Arnaud Robinet, président de la FHF. C’est au gouvernement de définir les priorités de santé publique, il choisit avec ces tarifs de saupoudrer [entre public et privé]… Attention à ne pas freiner la dynamique actuelle de l’activité et des recrutements dans nos établissements. »
Le changement de pied ne manquera pas d’être relevé dans le monde hospitalier : c’est une « équité totale » entre public et privé qui prévaut dans cette nouvelle répartition de l’enveloppe hospitalière, un « changement majeur », a assumé Catherine Vautrin, défendant un système qui marche « sur ses deux jambes ». Dans un contexte qui a évolué sur un an : « l’activité a bien repris à l’hôpital public, elle est maîtrisée dans le privé [après une très forte hausse en 2023] », a-t-elle aussi justifié. « Il faut arrêter d’opposer les acteurs », a abondé Yannick Neuder, ministre de la santé et de l’accès aux soins, mettant en avant leur « complémentarité ».
Il y a tout juste un an, l’annonce des tarifs 2024 avait donné lieu à un conflit d’ampleur avec le secteur privé lucratif : le ministre de la santé Frédéric Valletoux avait acté une évolution très différente entre secteurs public et privé lucratif, le premier voyant ses tarifs progresser de 4,3 %, le second de 0,3 %. Un choix justifié par la volonté de soutenir certaines activités, ou encore par une reprise d’activité plus forte dans le privé, devant lui permettre de compenser. La décision avait mis le feu aux poudres dans les cliniques, qui avaient menacé, des mois durant, d’une grève générale, avant de lever la menace après avoir obtenu plusieurs concessions du ministère.
Des concessions aujourd’hui traduites dans les nouveaux tarifs : le financement de revalorisations salariales du travail de nuit pour les soignants dans le secteur lucratif, promis alors, représente ainsi une enveloppe de 80 millions d’euros, ont chiffré les actuels locataires de l’Avenue de Ségur – les cliniques demandaient 140 millions d’euros. La fin progressive d’un autre dispositif – un coefficient de minoration de leurs tarifs lié au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – devrait, lui, représenter 260 millions d’euros en année pleine pour les cliniques.
Camille Stromboni