Le Monde.fr : Yannick Neuder, un septième ministre de la santé face à un secteur en crise
Cardiologue de profession, le député de l’Isère (Les Républicains) a été, ces dernières semaines, en première ligne des débats budgétaires tendus, en tant que rapporteur du budget de la Sécurité sociale.
Par Mattea Battaglia et Camille Stromboni
Publié le 23 décembre 2024
Un ministre chasse l’autre… Dans le secteur de la santé, une nouvelle configuration au sein du gouvernement Bayrou a été annoncée, lundi 23 décembre, qui ressemble beaucoup à celle éprouvée il y a quelques mois seulement. Le député de l’Isère (Les Républicains) Yannick Neuder, 55 ans, cardiologue de profession, a été nommé ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins. Il est placé auprès de Catherine Vautrin, anciennement ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, maintenue au gouvernement avec un portefeuille élargi mêlant travail, santé, solidarités et familles. Cette femme de droite avait déjà pris la tête d’un « grand ministère » social au sein du gouvernement Attal entre janvier et septembre, réunissant travail, santé et solidarités, épaulée par Frédéric Valletoux, délégué à la santé.
Après trois mois à la tête d’un ministère de la santé de plein exercice, Geneviève Darrieussecq, ancienne députée MoDem des Landes, n’a pas été reconduite, quand beaucoup pariaient sur le maintien au gouvernement de cette proche de M. Bayrou. La santé, qui a bénéficié d’un ministère propre à plusieurs reprises ces dernières années, est de nouveau englobée dans un plus vaste périmètre. Un signal peu rassurant, pour les acteurs du secteur.
Yannick Neuder, qui devient le septième ministre de la santé de ce second quinquennat Macron, a été, ces dernières semaines, en première ligne des débats budgétaires tendus, en tant que rapporteur du budget de la Sécurité sociale – le PLFSS (projet de loi de financement de la Sécurité sociale) sur lequel le gouvernement Barnier a chuté. Chargé des questions de santé à droite, il a porté plusieurs propositions de loi, récemment sur la formation des étudiants en médecine.
Sa nomination intervient au moment où entrent en vigueur les nouveaux tarifs de consultations chez les médecins libéraux : 30 euros, chez les généralistes, depuis le 22 décembre.
Reste à savoir ce que M. Neuder fera de la feuille de route dessinée par l’ex-premier ministre Michel Barnier : loi « infirmières-infirmiers » pour la profession paramédicale, « grande cause » consacrée à la santé mentale en 2025, dispositif Hippocrate pour que les internes de médecine, volontaires, exercent quelque temps dans les déserts médicaux, réforme envisagée de l’aide médicale d’Etat…
Crise de l’hôpital et aggravation des déserts médicaux
En s’installant avenue de Ségur, le ministre hérite de dossiers lourds, allant de la crise de l’hôpital à l’aggravation des déserts médicaux. Dans les cercles de soignants, l’attente reste entière d’une « priorité santé » invoquée jusqu’au plus haut niveau de l’Etat. Sur le sujet de l’accès aux soins, placé en tête des préoccupations de nombreux citoyens, le chef de l’Etat, Emmanuel Macron, a beaucoup promis, en premier lieu en s’engageant à « désengorger » les services d’urgences pour la fin de l’année 2024. Des services « porte d’entrée » des hôpitaux, qui restent toujours en grande difficulté, pris en étau entre les patients qui y entrent faute de trouver un médecin en ville, et les lits dits d’« aval » qui manquent aux autres étages, pour hospitaliser les patients qui en ont besoin
Le chef de l’Etat a aussi affiché l’ambition de trouver un médecin traitant pour tous les malades chroniques qui n’en ont pas. Soit environ 700 000 des 13 millions de patients dits en « affection de longue durée » (ALD), selon les chiffres de 2023. Alors que leur nombre ne cessait d’augmenter, la courbe s’est, depuis, inversée, selon l’Assurance-maladie, qui évoque, en cette fin d’année 2024, autour de 4 % de personnes toujours dans cette situation, soit environ 500 000 personnes. Autre engagement présidentiel, la réforme de la très décriée tarification à l’activité, appliquée pour financer les hôpitaux, est restée en grande partie en suspens.
Sans oublier le projet de légiférer sur la fin de vie, un dossier qu’avait porté Mme Vautrin au sein du gouvernement Attal, avant que la dissolution de l’Assemblée, début juin, ne porte un coup d’arrêt à l’examen d’un texte de loi très clivant parmi les médecins et les soignants.
Sur le terrain, les acteurs de la santé ne voient pas venir les réformes structurelles qu’ils appellent de leurs vœux, telle une « loi pluriannuelle de financement » qui leur permettrait d’avoir une visibilité à long terme sur les investissements dans leur secteur.
Il est un enjeu sur lequel le nouveau ministre ne va pas pouvoir temporiser longtemps : celui du budget et du déficit de la Sécurité sociale – 18 milliards d’euros en 2024, selon les derniers projets budgétaires. Un sujet qui doit revenir au Parlement dans les prochaines semaines.
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Mattea Battaglia et Camille Stromboni