Le Telegramme : Quelles pistes d’amélioration pour la réforme des retraites ? Les partenaires sociaux au centre du jeu et au pied du mur
Le 17 janvier 2025
Toujours opposés à la très contestée réforme des retraites, les syndicats sont désormais chargés de négocier avec le patronat pour trouver des pistes d’amélioration. Première réunion ce vendredi.
Partant du constat que « la première urgence, c’est de répondre à la question des retraites qui occupe le débat public », François Bayrou a « choisi de remettre ce sujet en chantier avec les partenaires sociaux », selon sa déclaration de politique générale.
Ni abrogation, ni suspension, mais une négociation qui échoit cette fois au patronat et aux syndicats qui avaient rassemblé de 1,28 à 3 millions de manifestants, selon les sources, au cours des 14 journées de manifestations contre la réforme portée par
Élisabeth Borne et adoptée, sans vote du Parlement, par l’article 49.3 de la Constitution en 2023.
« C’est une faute que le Premier ministre n’ait pas annoncé le blocage de la réforme », a regretté Sophie Binet, n° 1 de la CGT. Mais François Bayrou a assuré que les partenaires sociaux pourront « rechercher une voie de réforme nouvelle, sans aucun totem et sans aucun tabou, pas même l’âge de la retraite, les fameux 64 ans, à condition qu’elle réponde à l’exigence fixée », dont la maîtrise du déficit.
Ils ont entre les mains une part décisive de notre avenir national
« Dès ce vendredi », il va réunir les « représentants de chaque organisation » et leur proposer « de travailler autour de la même table (…), pendant trois mois, à dater du rapport de la Cour des comptes », qui doit établir, par une « mission flash », « l’état actuel et précis du financement du système de retraites ». Un « conclave » républicain convoqué par le locataire de Matignon, dont « la confiance dans les partenaires sociaux est entière ». « Je crois qu’ils ont entre les mains une part décisive de notre avenir national », a assuré le Premier ministre.
Trois scenarii possibles à la fin des négociations
En attendant une éventuelle fumée blanche, les salariés et agents continueront de solder progressivement leurs retraites comme prévu dans la loi, jusqu’à l’automne. Et « faute d’accord, la réforme actuelle s’appliquera », a, d’abord, prévenu le Premier ministre. Avant de tempérer cette position, mercredi, lors des questions au gouvernement à l’Assemblée puis dans sa déclaration de politique générale au Sénat. François Bayrou a évoqué trois scenarii qui pourraient se produire à l’issue de ces négociations. « Désaccord : on en reste au texte actuel. Accord complet : on fait un texte de loi. Accord partiel : on traduit l’accord partiel dans un texte d’amélioration de notre système de retraite. C’est la voie la plus franche, la plus transparente, la plus honnête qu’on pouvait trouver sur ces sujets-là », a-t-il détaillé. Dans un courrier, adressé, mercredi, aux présidents des groupes parlementaires socialistes, il assure que, même « si les partenaires sociaux ne parviennent pas à un accord global », son gouvernement présentera un « nouveau projet de loi », « sous réserve d’un accord politique et d’un équilibre financier global maintenu ».
« En disant d’entrée de jeu que s’il n’y a pas d’accord, c’est la réforme des retraites qui s’applique, on ne voit pas quel est l’intérêt du patronat à négocier », avait taclé Sophie Binet, qui redoute « des discussions corsetées et une mission impossible ». « La démocratie doit trancher. Le Parlement doit pouvoir voter sans 49.3 ou un référendum doit être organisé », a aussi réaffirmé la CGT.
Au-delà des divergences, trois mois suffiront-ils à négocier une réforme qui a été adoptée dans la douleur ? « Normalement, tous les films “Mission impossible” se finissent bien », ironise Yvan Ricordeau, n° 2 de la CFDT. Dans Libération, Marylise Léon, patronne de ce syndicat, a, de son côté, indiqué que « ce serait trahir les travailleurs que de ne pas saisir cette opportunité », tout en reconnaissant que « ça va être difficile ».
Les syndicats, qui, cet automne, sont parvenus à un accord sur l’emploi des seniors et la réforme de l’assurance chômage, se sont retrouvés ce jeudi en intersyndicale pour discuter des premiers contours de la négociation. « La discussion qui est devant nous est difficile par nature », admet Yvan Ricordeau. « Mais, pour la première fois, on nous dit que tous les sujets sont abordables ». « On est entendu », abonde Cyril Chabanier, patron de la CFTC, qui « fai (t) le pari que l’accord est possible, évidemment pas avec tout le monde ».
La concertation, sans « détricoter en parallèle la réforme en cours, semble une méthode de nature à apaiser les choses », salue la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME). Reste que pour la plupart des partenaires sociaux, se pose la question du déficit. Ainsi, le Medef se dit « très attentif à ce que ces discussions s’inscrivent dans le cadre de budgets ne portant pas atteinte à la compétitivité, à la croissance et à l’emploi ». « Tout sauf ce qui serait une aggravation des finances publiques », a également prévenu le leader de l’U2P, Michel Picon. « Si les organisations syndicales ont leurs lignes rouges, nous, on a les nôtres : il est hors de question de demander aux entreprises une contribution plus large ! »