Les retraites

Liberation.fr : Non, les retraités n’ont pas un niveau de vie supérieur aux actifs, comme l’affirme une étude largement relayée

il y a 4 mois, par infosecusanté

Liberation.fr : Non, les retraités n’ont pas un niveau de vie supérieur aux actifs, comme l’affirme une étude largement relayée

Un article de France Info laisse penser qu’en prenant en compte le logement, les retraités ont un niveau de vie supérieur aux actifs. Mais ces chiffres datent de 2019. Or, depuis, le rapport s’est inversé.

Les retraités étant plus souvent propriétaires que les actifs, ils économisent, d’une certaine façon, sur les loyers qu’ils n’ont pas à verser. (Michael Blann/The Image Bank RF.Getty Images)
par Luc Peillon
publié le 7 octobre 2024

C’est une « info » France Info qui, ce lundi 7 octobre, a de nouveau remis de la confusion dans le débat actuel sur le niveau de vie respectif des actifs et des retraités, au moment où l’exécutif, à la recherche d’économies, a décidé de reporter du 1er janvier au 1er juillet 2025 l’indexation des retraites sur l’inflation.

Dans cet article, repris par de très nombreux médias, on apprend ainsi que, « selon une étude du cabinet de conseil économique Asterès, dévoilée lundi 7 octobre par France Info », non seulement les retraités ont un niveau de vie plus élevé que l’ensemble de la population, mais également que les « actifs », dont les actifs occupés, qui pourtant travaillent.

« Selon l’étude, écrivent nos confrères, le revenu disponible et le niveau de vie des retraités sont « inférieurs » à ceux des actifs avec 2 188 euros mensuels en moyenne contre 2 489 euros pour les actifs occupés. Cependant, en prenant en compte les « loyers imputés », c’est-à-dire les loyers que les propriétaires se versent à eux-mêmes en comptabilité nationale, « le niveau de vie ajusté des retraités devient supérieur à celui des actifs ». »

Problème : la 2e partie de ce paragraphe (niveaux de vie avec loyers imputés) se base sur des données datant de… 2019. Or depuis, des données plus récentes conduisent à une conclusion inverse. Explications.

Comme nous déjà l’avons écrit dans un article du 26 septembre, les retraités ont, en 2021 (derniers chiffres disponibles, et identiques, à ce stade du raisonnement, à ceux de France Info), un niveau de vie moyen de 2 188 euros mensuels, contre 2 489 euros pour les actifs occupés (2428 euros pour l’ensemble des actifs, dont les chômeurs).

Mais les retraités étant plus souvent propriétaires que les actifs, ils économisent, d’une certaine façon, sur les loyers qu’ils n’ont pas à verser. Que se passe-t-il, dès lors, si l’on intègre ce que l’on appelle les « loyers imputés » (qui recouvre, selon l’Insee, « le service de location que se rendent à eux-mêmes les propriétaires de leur logement : à savoir les loyers que les propriétaires auraient à payer s’ils étaient locataires du logement qu’ils habitent ») ?

Les retraités, dans ce cas-là, regagnent du terrain, puisqu’ils bénéficient, en 2021, d’un niveau de vie supérieur de 5 % à celui de l’ensemble de la population (niveau de vie relatif). Mais contrairement à ce qu’écrit France Info, leur niveau de vie, même avec les loyers imputés, reste encore en dessous de celui des actifs, dont le niveau de vie relatif est - lui - supérieur de 7,6 % à celui de l’ensemble de la population.

Pourquoi France Info écrit-il l’inverse ? Parce que si leurs données, avant loyer imputé, correspondent bien à 2021, leurs chiffres avec loyers imputés (empruntés à l’étude d’Asterès) datent, eux, de… 2019.

Cette année-là, les retraités présentaient effectivement un niveau de vie relatif (avec loyers imputés) correspondant à 107,8 % de l’ensemble des ménages, contre 106 % pour les actifs.

Autrement dit, le cabinet Asterès, et France Info dans la foulée, sont passés à côté des chiffres les plus récents pour les niveaux de vie avec loyers imputés, qui inversent la conclusion basée sur ceux de 2019. Contacté par CheckNews, le cabinet reconnaît ne pas avoir vu les dernières données.

A noter que le niveau de vie relatif des retraités, pour différentes raisons (dont l’amélioration des carrières des femmes), a très fortement progressé ces dernières décennies, « de 30 points entre 1970 et le milieu des années 90, où il est devenu équivalent à celui de l’ensemble de la population », rappelle le Conseil d’orientation des retraites dans son rapport de juin 2024.

Mais, depuis 2017, cet indicateur (hors loyers imputés, les séries longues avec cet indicateur n’existant pas) est en baisse, « notamment parce que les ménages actifs ont bénéficié de mesures visant à augmenter les revenus du travail (augmentation de la prime d’activité, exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires, etc.) et de la baisse du chômage », selon les rapporteurs.

Depuis son pic à 106 % du niveau de vie de l’ensemble de la population en 2014, il est ainsi redescendu à 98,7 % en 2021 (même si cette baisse est aussi liée au changement de méthode de l’enquête « Revenus fiscaux »).

Ce décrochage, par ailleurs, devrait se poursuivre, et atteindre 83 % en 2070. Il retrouverait alors « des valeurs comparables à celles qu’il avait connues dans les années 80 ». Sauf à très court terme (de 2024 à 2026), en raison de la forte inflation de ces dernières années, mais aussi de la réforme d’avril 2023, qui a acté une revalorisation du minimum contributif.