La Sécurité sociale

Le Monde.fr : Sécurité sociale : en 2024, le déficit pourrait être supérieur de 6 milliards d’euros aux prévisions

Mai 2024, par infosecusanté

Le Monde.fr : Sécurité sociale : en 2024, le déficit pourrait être supérieur de 6 milliards d’euros aux prévisions

Le dérapage s’explique pour l’essentiel par l’évolution des recettes, moins dynamique qu’escompté initialement, du fait du ralentissement de la croissance, selon un rapport présenté jeudi 30 mai.

Par Bertrand Bissuel

Publié le 30/05/2024

Les finances de notre Etat-providence pourraient être encore plus dégradées que prévu en 2024. Le déficit serait supérieur de 6 milliards d’euros à ce qui était attendu initialement, si l’on prend en considération les régimes obligatoires de base de la Sécurité sociale et le Fonds de solidarité vieillesse, chargé d’endosser diverses dépenses de notre système de pensions (dont le minimum vieillesse). C’est l’un des enseignements du rapport de la commission des comptes de la « Sécu », qui doit être présenté, jeudi 30 mai, et que Le Monde a pu consulter.

Promulguée fin décembre 2023, la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2024 tablait sur un solde négatif de 10,5 milliards d’euros. Il serait finalement susceptible d’atteindre – 16,6 milliards. Cette détérioration a pour cause, principalement, l’évolution des « recettes de prélèvements sociaux sur les revenus d’activité » et des ressources fiscales, qui est moins dynamique que ce que le législateur escomptait à l’automne 2023. A l’époque, l’exécutif misait sur une croissance économique de 1,4 % pour 2024. Depuis, cette prévision a été revue à la baisse, à + 1 %, ce qui joue en défaveur des rentrées de prélèvements obligatoires.

Ce nouveau dérapage est mis en évidence au moment même où la Cour des comptes braque les projecteurs sur la trajectoire « insoutenable » des finances sociales. Lors d’une conférence de presse, mercredi, durant laquelle il a présenté le rapport annuel « sur l’application des LFSS », Pierre Moscovici, le premier président de la haute juridiction, a exprimé sa préoccupation, sur un ton particulièrement direct, face à un « déficit non maîtrisé ».

Comme les années précédentes, deux compartiments de l’Etat-providence retiennent l’attention. L’Assurance-maladie, tout d’abord : en 2023, elle a affiché un solde négatif de – 11 milliards d’euros et pourrait plonger un peu plus dans le rouge cette année (à – 11,5 milliards d’euros, selon la commission des comptes de la « Sécu »). L’autre secteur en très mauvaise santé est la branche vieillesse : alors que le déséquilibre s’était réduit, en 2023, à – 1,5 milliard d’euros, il s’amplifierait à nouveau cette année, pour remonter à – 7 milliards, en raisonnant sur l’ensemble des régimes de base et le Fonds de solidarité vieillesse. Et les chiffres risquent fort d’être pires sur les exercices ultérieurs.

Multiples propositions pour résorber le déficit
Ces mauvais résultats sont, pour une part, imputables aux difficultés croissantes rencontrées par la caisse de retraite des agents hospitaliers du public et des fonctionnaires territoriaux. La proportion de cotisants par rapport à celle des pensionnés ne cesse de baisser (1,52 en 2022 contre 2,28 en 2010, d’après la Cour des comptes). Le phénomène provoque un redoutable effet ciseaux : d’un côté, les recettes se tassent, tandis que de l’autre les besoins de financement s’accroissent. Le déficit de ce régime pourrait, par voie de conséquence, s’élever à 3,6 milliards d’euros en 2024 (contre 2,5 milliards en 2023) et s’envoler jusqu’à environ 10 milliards en 2030.

« Voilà une situation qui, évidemment, ne peut pas durer », a lancé M. Moscovici, mercredi après-midi, pendant sa conférence de presse, en se montrant ouvertement critique à l’égard de l’exécutif. Le premier président de la Cour des comptes a insisté sur la nécessité d’engager des réformes, faute de quoi notre système de protection sociale risque d’être « fragilisé ». C’est aussi un enjeu pour la « cohésion » du pays, a-t-il dit.

Dans le rapport remis mercredi, de multiples propositions sont formulées dans le but de résorber les déficits : régulation des dépenses de médicaments – notamment ceux qui sont utilisés contre le cancer –, mise à contribution des entreprises et des actifs pour alléger les dépenses d’indemnisation liées aux arrêts de travail, compensation des exonérations et exemptions de cotisations sur les « compléments de salaire » (heures supplémentaires, prime de partage de la valeur, titres-restaurants, prise en charge d’une adhésion à une mutuelle, etc.).

M. Moscovici a, par ailleurs, indiqué que la Cour fournirait, en juin, des pistes de solution afin de contenir la progression des charges pesant sur l’Assurance-maladie. Les « gisements d’économie » existent, selon lui, mais pour les exploiter, la « volonté politique » est « indispensable ».

Bertrand Bissuel