La Sécurité sociale

Alternatives Economiques : Moins de Sécu, plus de complémentaire santé : et à la fin, c’est l’assuré qui trinque

il y a 3 mois, par infosecusanté

Alternatives Economiques : Moins de Sécu, plus de complémentaire santé : et à la fin, c’est l’assuré qui trinque

Le 29 Octobre 2024

L’augmentation du ticket modérateur sur les consultations médicales prévue dans le budget 2025 va augmenter le coût des complémentaires santé. Au point de rendre leur coût insoutenable pour les assurés ?

Par Sabine Germain

A quelle sauce seront mangés les assurés en matière de santé ? Cette année, plus que les autres, ils gardent les yeux rivés vers l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 qui devrait se conclure par un vote solennel le 5 novembre.

L’affaire, qui prévoit de nombreuses sources d’économies, semble bien mal emmanchée après le rejet du texte en commission des affaires sociales, vendredi 25 octobre. Il semble de plus en plus probable que le texte sera adopté grâce à l’article 49-3, moyennant quelques petits amendements permettant d’éviter une motion de censure.

En commission, les débats ont essentiellement tourné autour de l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam). Cette enveloppe de dépenses affectée aux soins de ville, aux soins hospitaliers et aux établissements médico-sociaux ne devrait pas augmenter de plus de 2,8 % en 2025. Même le rapporteur de ce texte, le député LR Yannick Neuder, conteste cet objectif, l’estimant incompatible avec le désendettement des structures hospitalières. Un sujet que ce cardiologue au CHU de Grenoble connaît bien.

A vrai dire, personne n’y croit vraiment étant donné que l’objectif voté n’a pas été tenu une seule fois au cours des dix dernières années. L’année 2024, par exemple, devrait se terminer sur une hausse de 4,7 % des dépenses d’assurance maladie alors que l’Ondam voté au parlement n’était que de 3,2 %.

Pour 2025, un Ondam de 2,8 %, « très inférieur à l’Ondam réalisé ces dernières années, suppose un ralentissement important de la dynamique des dépenses », a commenté l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire (Unocam) dans l’avis défavorable qu’il a rendu sur le PLFSS le 11 octobre.

Hausse du ticket modérateur
Pour produire les 4,9 milliards d’euros d’économies rendues nécessaires par un Ondam à + 2,8 %, le PLFSS table sur une baisse du plafond de remboursement des indemnités journalières en cas d’arrêt maladie, un gel de six mois des pensions de retraite, la révision de certaines exonérations de cotisations sociales patronales… Il prévoit également une hausse du ticket modérateur sur les consultations des médecins généralistes1 et des sages-femmes : de 30 % aujourd’hui, il devrait être porté à 40 %.

Cela signifie que la sécurité sociale ne remboursera plus que 60 % du prix des consultations, le ticket modérateur étant pris en charge par les complémentaires santé qui estiment ce transfert de charges à plus d’un milliard d’euros. Un milliard qui s’ajoute aux 500 millions d’euros de transferts déjà prévus sur les prestations dentaires.

La hausse du ticket modérateur fait débat au sein même du gouvernement. Laurent Saint-Martin, ministre du Budget, estime qu’elle est « nécessaire ». La ministre de la Santé et de l’accès aux soins, Geneviève Darrieussecq, semble plus réservée :

« La décision n’est pas prise, a-t-elle déclaré au Sénat le 24 octobre. Je souhaite que la diminution [ndlr : de la part prise en charge par la sécurité sociale] soit la moins importante possible (…) et que l’accès aux soins reste possible pour tous. »

Accès aux soins
Si la ministre pose la question de l’accès aux soins, c’est parce que ces transferts de charges vont à coup sûr peser sur le prix des complémentaires santé, dont l’augmentation semble ne plus devoir s’arrêter : la hausse pour 2025 devrait être de 5,5 % en moyenne, avec une fourchette allant de 4,5 % à 8,5 % selon les types de contrats (individuels ou collectifs) et selon les experts, à savoir les cabinets d’actuariat Actélior, Addactis, Facts & Figures et Galea.

Les transferts de charges vont à coup sûr peser sur le prix des complémentaires santé, dont l’augmentation semble ne plus devoir s’arrêter
En 2024, les tarifs ont déjà très fortement augmenté : entre 8 % et 12 % pour les contrats collectifs, 9 % et 11 % pour les particuliers. Selon le cabinet Addactis, sur les 6,2 % d’augmentation médiane pour 2025, environ 60 % sont dus à la hausse générale des dépenses de santé, liée à l’inflation, au vieillissement de la population, et 40 % aux transferts de charges.

Fin 2023, l’annonce des augmentations pour 2024 a conduit la commission des affaires sociales du Sénat à demander une mission d’information qui a remis ses conclusions le 26 septembre dernier. « Le niveau d’augmentation attendu du fait de l’augmentation des dépenses de santé à couvrir est sans commune mesure avec celui annoncé avec les mutuelles », peut-on y lire.

Les sénateurs se demandent si les complémentaires santé n’auraient pas eu la main un peu lourde en comptant deux fois les mêmes transferts de charge. Conscients de la difficulté de l’exercice au regard des délais très contraints entre la présentation du PLFSS et la publication des tarifs des mutuelles, ils recommandent d’accorder au moins six mois de délai aux organismes complémentaires (Ocam) entre l’annonce d’un transfert de charge et son entrée en vigueur.

Extension continue du contrat responsable
Du pain bénit pour les organismes complémentaires qui ont, cette année, dû construire leur tarifs sans connaitre les premières orientations d’un PLFSS publié particulièrement tard. De toute façon, ils se rendent bien compte que ces hausses tarifaires ne sont pas tenables dans la durée.

Ils balayent, certes, un peu vite deux questions importantes soulevées par les sénateurs : le montant de leurs frais de gestion qui ont crû à un rythme deux fois supérieur à l’inflation entre 2011 et 2022 et la prise en charge croissante des médecines douces (ostéopathie, naturopathie, sophrologie, etc.), dont le coût a été multiplié à cinq en huit ans, frôlant le milliard d’euros, alors que leur « efficacité n’est pas prouvée scientifiquement ».

Mais le rapport sénatorial fustige aussi « l’extension continue » des garanties des contrats responsables et solidaires qui, moyennant le respect du cahier des charges2, permet aux employeurs et aux salariés couverts par un contrat collectif de bénéficier d’exonérations sociales et fiscales. Les trois fédérations d’organismes complémentaires (France Assureurs, la Mutualité Française et le Centre technique des institutions de prévoyance) ont fait le même constat, appelant à une refonte du contrat responsable afin d’assurer « l’accès de tous aux soins essentiels (…) sans devenir un frein à cause de son coût trop élevé pour certains. »

Les Ocam plaident surtout pour une véritable réflexion sur le financement de nos dépenses de santé :

« En 2024, elles ont représenté 315 milliards d’euros sans satisfaire personne et en ne garantissant pas l’accès aux soins », a expliqué Eric Chenut, président de la Mutualité française lors du congrès Reavie, le 17 octobre dernier.

« L’augmentation des dépenses de santé est structurelle du fait du vieillissement de la population, de la chronicisation des affections de longue durée, de l’explosion du coût de certains traitements, estime Florence Lustman, présidente de France assureurs. Il faut arrêter les mesures à l’emporte-pièce [NDLR : les transferts de charges vers les Ocam pour boucler le budget de la sécurité sociale] et engager une réflexion de long terme sur la soutenabilité de ces dépenses et l’articulation entre le régime obligatoire [la sécurité sociale] et les régimes complémentaires. »

Sabine Germain