L’Anticapitaliste Hebdo du NPA

L’Anticapitaliste Hebdo : Quels moyens pour répondre à la souffrance des jeunes ?

il y a 4 semaines, par infosecusanté

L’Anticapitaliste Hebdo : Quels moyens pour répondre à la souffrance des jeunes ?

Commission santé sécu social du NPA
Hebdo L’Anticapitaliste - 734 (19/12/2024)

Un rapport parlementaire du 11 décembre 2024 pointe l’état alarmant de la psychiatrie française. Le document rappelle que les hospitalisations liées aux tentatives de suicides et auto-agressions chez les adolescentes de 10 à 19 ans et les jeunes femmes ont plus que doublé depuis 2020. Panorama des difficultés par la Commission Santé Sécurité sociale.

La crise du covid a mis en lumière le mal-être de la jeunesse. Malheureusement, il n’est pas nouveau, même s’il s’est accentué ces dernières années.

Parmi les étudiantEs, 41 % présentent des symptômes dépressifs ; ils étaient 26 % avant le covid. C’est 15 points de plus en seulement quatre ans.

Dépression
Leurs angoisses sont connues : difficultés économiques, études de plus en plus sélectives et donc stressantes, chômage… Et pour ne rien arranger, certains facteurs sociétaux viennent plomber le moral des jeunes. Ils citent presque tous le contexte géopolitique, avec les conflits internationaux et le dérèglement climatique, qui rend leur futur toujours plus incertain.

Les résultats d’une enquête nationale (EnCLASS 2022) publiés le 9 avril 2024 révèlent qu’unE adolescentE sur sept présente de graves risques de dépression. La tendance est beaucoup plus marquée chez les jeunes filles. La progression la plus importante a été observée chez les jeunes adultes (18-24 ans), avec une hausse de 9 points entre 2017 (11,7 %) et 2021 (20,8 %).

Les personnes plus à risque d’épisode dépressif sont les jeunes de 18-24 ans, les femmes, les personnes vivant seules, les familles monoparentales, celles se déclarant pas à l’aise financièrement, au chômage ou celles ayant ressenti un impact négatif de l’épidémie de covid-19 sur leur moral.

Suicide
Le suicide est l’une des principales causes de décès dans le monde. Selon l’OMS, il s’agit de la 3e cause de mortalité chez les jeunes entre 15 et 29 ans. La France n’échappe pas à ce constat alarmant puisque le suicide reste la deuxième cause de mortalité.

Selon le 5e Rapport de l’Observatoire national du suicide (2022),1 lycéenE sur 10 a déclaré avoir fait une tentative de suicide au cours de sa vie. Entre 2019 et 2021, le nombre de tentatives de suicide a augmenté de 30 % chez les 11-17 ans et 24 % des lycéenEs déclarent des pensées suicidaires ; 13 % avoir déjà fait une tentative de suicide au cours de leur vie et environ 3 % une tentative avec hospitalisation.

Des réponses inadaptées

Le gouvernement démissionnaire avait présenté le 11 octobre 2024 les quatre objectifs prioritaires pour promouvoir la santé mentale, érigée Grande Cause nationale pour l’année 2025. La santé mentale des jeunes en faisait partie en lien avec le Collectif Santé, dont fait partie FondaMental.

FondaMental est une fondation de recherche psychiatrique principalement financée par le secteur privé « qui développe et promeut une vision exclusivement biologisante de la maladie mentale et des soins inspirée strictement des paradigmes neuro-comportementaux ». Elle fonctionne sur le modèle d’autres lobbys libéraux et est liée à l’Institut Montaigne, « think tank » libéral. Bref, la grande cause nationale à la sauce Macron, bien loin d’un renforcement de la psychiatrie publique… et des réponses sociales et politiques capables d’enrayer le stress des jeunes !

La première réponse serait évidemment de s’attaquer aux causes de cette souffrance, c’est-à-dire l’absence d’avenir offert par cette société à sa jeunesse et sa violence, ce qui supposerait d’en finir avec la précarité, le chômage, les discriminations, de promouvoir, la solidarité et les droits pour toutes et tous, à l’opposé des politiques libérales promues par le pouvoir.

Il s’agirait ensuite d’apporter une réponse cohérente et satisfaisante en termes de soins. Aujourd’hui, la réponse à la souffrance psychique est extrêmement éclatée et peut être un véritable labyrinthe pour les enfants, les jeunes et leurs parents.

Une kyrielle de dispositifs qui s’empilent les uns sur les autres, sans parler des listes d’attente de 3 à 12 mois pour rencontrer unE professionnelE de soins.

Elle recoupe de nombreux champs sociaux et professionnels. Les prises en charge psychiques s’articulent avec plus ou moins de cohésion entre la pédopsychiatrie publique, la psychiatrie libérale, le médico-­social, le social, l’associatif, l’Éducation nationale, comme les CAMPS (centres d’action médico-­sociale précoce), les CMPP (centres médico-­psycho-pédagogiques) ou encore les IME (instituts médico-éducatifs), faute de temps pour penser les prises en charge.

Hospitalisation de secteur
Dans le secteur public, l’ensemble du territoire a été découpé en secteurs géographiques de 80 000 habitantEs et 200 000 habitantEs pour les inter-secteurs de psychiatrie infanto-juvénile. Chaque secteur devait être doté de services d’hospitalisation complète, mais aussi de structures extra-­hospitalières : CMP (centre médico-­psychologique), hôpital de jour et CATTP (centre d’accueil thérapeutique à temps partiel). L’organisation prévoit qu’une même équipe pluridisciplinaire assure l’ensemble des soins de prévention, de cure et de post-cure. Le plus souvent ce sont des coquilles vides par manque de professionnelLEs, au mieux avec 10 % de temps médicaux.

Coupes budgétaires
Les coupes budgétaires des services sociaux, médico-­sociaux et de l’Éducation nationale n’améliorent pas le suivi de ses jeunes. Alors qu’il y a une réelle augmentation du nombre de jeunes sollicitant ces différents dispositifs, leurs budgets sont en diminution.

Tout comme pour l’ensemble des hôpitaux, ces manques de budget n’ont pas épargné la psychiatrie et encore moins la psychiatrie infanto-juvénile.

C’est pire depuis 2020, avec le nouveau financement de la psychiatrie qui repose sur une part majoritaire d’environ 75 % correspondant à une « dotation populationnelle ». Les critères de répartition prennent en compte le nombre d’habitantEs, mais aussi le niveau de précarité de la population ainsi que le nombre de mineurEs. Ensuite, viennent pour 15 % les dotations liées à l’activité, par des appels à projet : la fameuse tarification à l’activité (T2A) qui a dévasté les hôpitaux généraux

Contrôle des orientations thérapeutiques
Les ARS (agences régionales de santé) multiplient ces dernières années ces appels à projet que l’on nomme les Fonds d’innovation organisationnelle en psychiatrie (FIOP).

Ce fonctionnement est un puissant moyen d’imposer des visions et des orientations définies en amont par les pouvoirs publics. Le financement n’étant pas pérenne, il peut être stoppé si vous ne respectez pas les orientations dictées par les autorités. Les professionnelLEs concernéEs en viennent à intérioriser les injonctions et à s’autocensurer au moment de penser des dispositifs de soins. Car, à quoi bon s’investir dans des projets qui seront à coup sûr refusés par les instances décisionnaires ? Ou bien les personnelEs s’y investissent mais apprennent à faire plus sans réels moyens, avec des équipes en dessous des besoins.

Faute de moyens, en raison de la pénurie de professionnelEs, des vacances de poste de pédopsychiatres (14 départements n’en ont plus) et de paramédicaux, les listes d’attente ne cessent d’augmenter. Il faut attendre entre 3 à 14 mois pour rencontrer unE professionnelLE de soins.

Pour les jeunes les plus en difficulté, les places en IME (instituts médico-éducatifs) sont denrée rare. Quant à l’inclusion scolaire, c’est un miroir aux alouettes, sans véritables moyens, avec des AESH (accompagnantEs des élèves en situation de handicap), le plus souvent des femmes, payéEs au lance-pierres, avec une seule formation d’un an, sans véritable statut et qui jonglent sur plusieurs accompagnements.

De ce point de vue, il n’y a rien à attendre de plus du gouvernement Bayrou en constitution que de son prédécesseur. Les effets d’annonce sur la « grande cause nationale » ne resteront que des phrases creuses si les mobilisations sociales ne s’en mêlent pas.

En 2018, la psychiatrie avait connu un « printemps de luttes » radicales avec notamment la grève à Sotteville-lès-Rouen, accompagnée d’une grève de la faim, celle du Havre avec les « perchés » ou celle d’Amiens. Faute d’une généralisation et d’un rapport de forces suffisantes, ces luttes n’ont pu empêcher la poursuite du démantèlement de la psychiatrie camouflée par des mesures de façade comme quelques consultations gratuites de psychologues, sans possibilité de suivi, du dispositif « mon psy ».

Là comme ailleurs, il n’y a d’autre voie que de lever les obstacles à la reprise de la mobilisation pour reprendre confiance et espoir.