jeudi 9 mars 2023, par Attac France
Le ministre des comptes publics a annoncé un durcissement des conditions d’accès à certaines prestations sociales. Alors qu’il faut pour les personnes de nationalité française ou titulaires d’un droit au séjour résider 6 mois en France pour percevoir le minimum vieillesse ou les allocations familiales, 8 pour les aides personnalisées au logement et 9 pour le revenu de solidarité active, le gouvernement envisage de porter ces délais de résidence à 9 mois. Après s’être attaqué à l’indemnisation du chômage et aux retraites, ce sont maintenant les personnes de nationalité étrangère pauvres qui sont visées.
Un reniement de plus
Lors de la campagne présidentielle de 2022, Emmanuel Macron avait promu la « solidarité à la source », précisant qu’il fallait que l’ensemble des personnes ayant droit à des prestations sociales puissent en bénéficier. Le taux de non recours aux prestations sociales est en effet élevé, il se situe en moyenne entre 30 et 40 %. L’État réalise donc des économies importantes (10 milliards d’euros par an) au détriment des personnes qui ne sollicitent pas les aides auxquelles elles ont droit. Avec ce projet de durcissement, le pouvoir renie sa parole. Un reniement de plus, lorsqu’on sait qu’Emmanuel macron s’était déclaré opposé au report de l’âge légal de départ à la retraite en 2017...
Une tactique politique dangereuse
Ce projet vise à donner des gages au mouvement « Les Républicains », qui ont eux-mêmes tenté de se positionner sur le terrain du Rassemblement national, lequel a toujours voulu remettre en cause les aides dont bénéficient des personnes qui résident sur le territoire sans avoir la nationalité française. Par cette mesure, le gouvernement accorde donc un peu plus de crédit aux thèses du RN. Il s’agit là d’un jeu dangereux...
Résident fiscal et résident social : vers une dichotomie
Une personne doit déclarer ses revenus en France si elle respecte plusieurs critères, parmi lesquels une durée de séjour de 6 mois au moins. Une véritable « harmonisation » aurait donc parfaitement pu ramener l’ensemble des délais de résidence permettant de bénéficier d’une prestation sociale à 6 mois. Le gouvernement a choisi une autre voie, instaurant ainsi une curieuse dichotomie. Il a oublié de préciser au passage que, pour bénéficier des prestations visées par son projet, il faut au préalable avoir résidé 10 ans sur le territoire national en situation régulière. Cette mesure stigmatiserait un peu plus une population étrangère qui, par son activité et sa consommation, joue un rôle économique positif mais subirait un recul de ses droits. Par là-même, le pouvoir confirmerait qu’il préfère la liberté de circulation des capitaux à celle des personnes, notamment les personnes précaires de nationalité étrangère.
La même rengaine de la fraude aux prestations sociales
Une fois de plus, le gouvernement privilégie la lutte contre la fraude aux prestations sociales (1 à 3 milliards d’euros) sur la lutte contre la fraude fiscale (80 à 100 milliards d’euros) ou celle aux cotisations sociales (environ 20 milliards d’euros). Outre que les montants ne sont pas comparables, les moyens alloués à combattre ces différents types de fraude n’évoluent pas de la même manière, comme le rapport commun « Attac-Union syndicale Solidaires » (soutenu par AC !, la CGT chômeurs, la CGT finances et Solidaires finances publiques) l’a montré en mars 2022. Le contrôle mené par Pôle emploi des personnes sans emploi a été renforcé alors que les effectifs ne cessent de baisser au sein de l’administration fiscale où, depuis le milieu des années 2000, entre 3.000 et 4.000 postes ont été supprimés dans les services de contrôle fiscal.
Sanction de la fraude : deux poids, deux mesures ?
Selon le ministère des comptes publics, en 2022, 1 373 dossiers (représentant 659 M€ de droits rappelés) ont été transmis à l’autorité judiciaire dans le cadre des « dénonciations obligatoires » instituées par la loi du 23 octobre 2018. Un nombre à mettre en rapport avec 1.421 poursuites pénales engagées en 2021 pour fraude aux prestations sociales, pour des montants inférieurs, entre 6.000 et 7.000 euros contre près de 480.000 euros en matière de fraude fiscale.
Pour Attac, cette mesure est socialement injuste, budgétairement inutile et politiquement nauséabonde. Le gouvernement montre une fois de plus son vrai visage : tacticien et idéologue « en même temps ».