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Mediapart : Le « congé de santé gynécologique » de l’Eurométropole de Strasbourg annulé par la justice

il y a 1 semaine, par infosecusanté

Mediapart : Le « congé de santé gynécologique » de l’Eurométropole de Strasbourg annulé par la justice

Mardi 24 juin, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les délibérations de l’Eurométropole de Strasbourg permettant à ses agentes de bénéficier d’un « congé de santé gynécologique ». Jeanne Barseghian, maire de Strasbourg et présidente déléguée de l’intercommunalité, annonce qu’elle fera appel.

Camille Balzinger et Guillaume Krempp (Rue89 Strasbourg)

26 juin 2025 à 12h09

26 juin 2025

Strasbourg (Bas-Rhin).– La ville et l’Eurométropole de Strasbourg (EMS) avaient décidé d’instaurer un « dispositif d’amélioration de la prise en charge de la santé gynécologique » par une délibération les 22 et 31 mai 2024. Plus d’un an plus tard, le tribunal administratif de Strasbourg a jugé, mardi 24 juin, que la création d’une nouvelle autorisation spéciale d’absence (ASA) ne relève pas de la compétence des collectivités. Il suit ainsi les conclusions du rapporteur public, magistrat chargé d’éclairer le tribunal.

Dénoncées par la préfète du Bas-Rhin, Josiane Chevalier, juste avant son départ à la retraite en octobre 2024, les délibérations de l’EMS et de la ville ont créé un nouveau type de congé « permettant aux agentes, en cas de menstruations incapacitantes et sur justification médicale, de bénéficier d’autorisations spéciales d’absence dans la limite de treize jours par an ». L’expérimentation devait durer deux ans. La préfecture du Bas-Rhin a estimé qu’elle n’avait pas de base légale.

Près de trois semaines après l’audience qui s’est déroulée le 3 juin, la 6e chambre du tribunal administratif a décidé que les collectivités territoriales n’ont pas la compétence pour mettre en place un tel dispositif, qui relève « du statut général des fonctionnaires » et donc du Code général de la fonction publique. Selon la juge, c’est à la loi ou au règlement de prévoir les congés menstruels.

Des décisions similaires ont été prises par les tribunaux administratifs de Toulouse et de Grenoble, en novembre 2024 et en février 2025. Dans les deux cas, les juges ont considéré que les délibérations étaient entachées d’incompétence et que les collectivités devaient attendre qu’un cadre légal soit mis en place par le Parlement pour créer ces congés menstruels. Dans la ville et la métropole de Lyon, une expérimentation similaire est en place depuis octobre 2023, et la préfecture du Rhône a demandé en février 2025 aux collectivités de l’interrompre.

118 certificats en neuf mois
La maire de Strasbourg, Jeanne Barseghian (Les Écologistes), s’avoue « déçue » par cette décision : « C’est une déception, pas seulement pour nous, élues, qui portons ce dispositif, mais pour toutes les femmes concernées au premier chef. C’est un signal négatif pour la santé des femmes au travail et l’égalité. Nous allons faire appel de cette décision. »

Entre le 1er septembre 2024 et le 31 mai 2025, 118 certificats médicaux ont été délivrés à des agentes, dont 36 pour des symptômes liés à la ménopause. Au total, 68 personnes ont pu bénéficier de ces autorisations spéciales d’absence. « En un peu moins d’un an, 260,5 journées ont été accordées sur nos 8 000 agents qui comptent 52 % de femmes », précise la maire de Strasbourg. À celui de congé menstruel, elle préfère le terme « congé de santé gynécologique, qui prend aussi en compte l’endométriose et la ménopause ».

Auprès des agentes qui ont pu bénéficier du dispositif, Jeanne Barseghian se veut rassurante : « On ne va rien lâcher et se mobiliser pour une proposition de loi avec les élus et les autres collectivités. Je veux dire aux femmes que leur voix sont entendues sur les symptômes incapacitants au travail. »

Députée de la première circonscription du Bas-Rhin, Sandra Regol (Les Écologistes) a également exprimé sa déception face à une décision « attendue », résultat « d’un immobilisme chronique et d’un manque d’engagement du gouvernement sur le sujet de l’égalité ». Comme d’autres élu·es de gauche à l’Assemblée nationale, la députée écologiste a interpellé des ministres pour permettre de préserver le congé menstruel instauré à Strasbourg ou à Lyon.

Mercredi 2 avril, Sandra Regol a ainsi reçu une réponse de la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, Catherine Vautrin. Cette dernière avait assuré de son « intérêt particulier » et d’un engagement partagé sur le sujet. De son côté, Laurent Marcangeli, ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification, avait répondu : « Je souhaite vous informer qu’en raison de la demande grandissante des collectivités territoriales et des administrations, la direction générale de l’administration et de la fonction publique étudie actuellement des solutions juridiques pérennes afin de prendre en compte ces situations et ainsi répondre au mieux à la situation des femmes souffrant, notamment, d’endométriose. »

La possibilité d’une « grande loi égalité »
Près de trois mois plus tard, les réponses ministérielles sont restées sans lendemain. Les relances des député·es mobilisé·es sur le congé menstruel n’obtiennent plus de réponse. Sandra Regol esquisse, sans grande conviction, la possibilité d’une « grande loi égalité » portée par la ministre Aurore Bergé.

Questionnée sur la possibilité qu’un tel texte soit inscrit à l’agenda de l’Assemblée nationale, la députée du Bas-Rhin désespère : « Je ne sais pas si on y arrivera… La question, c’est qui pèse le plus lourd aujourd’hui dans le gouvernement, Bruno Retailleau ou Aurore Bergé ? La réponse est claire : l’égalité femme-homme n’est pas du tout à l’agenda du gouvernement. »

Thierry Sother, député socialiste de la 3e circonscription du Bas-Rhin, indique avoir cosigné la proposition de loi du député socialiste d’Ille-et-Vilaine Mickaël Bouloux « visant à créer un arrêt de travail indemnisé et un aménagement en télétravail pour menstruations incapacitantes » et déposée le 1er avril 2025.

Camille Balzinger et Guillaume Krempp (Rue89 Strasbourg)