Le droit de mourir dans la dignité

Liberation.fr : Fin de vie et aide à mourir : à l’Assemblée nationale, le retour d’une loi en terrain miné

il y a 1 semaine, par infosecusanté

Liberation.fr : Fin de vie et aide à mourir : à l’Assemblée nationale, le retour d’une loi en terrain miné

Les députés examinent dès ce lundi deux textes pour faire naître le « nouveau modèle français » promis par Emmanuel Macron. Si le premier sur les soins palliatifs devrait être adopté sans accroc, les discussions sur l’aide à mourir, elles, s’annoncent plus tendues.

Les débats donneront lieu à un vote solennel des députés le 29 mai.

publié le 12/05/2025

La France est-elle sur le point de se doter de la « grande loi républicaine » ouvrant un droit à l’aide à mourir aux malades incurables en grande souffrance, attendue de très longue date par l’opinion ? A compter de ce lundi et jusqu’au 25 mai, les députés sont pour la seconde fois appelés à débattre du « nouveau modèle français de la fin de vie », promis par Emmanuel Macron en avril 2023 mais compromis, quelques jours avant sa possible adoption, par la dissolution de l’Assemblée nationale en juin.

Il a fallu toute la combativité du député apparenté Modem Olivier Falorni pour remettre l’ouvrage sur le métier, puis obtenir de François Bayrou sa réinscription à l’agenda parlementaire. Défavorable à titre personnel à l’aide à mourir, le Premier ministre a posé ses conditions : la scission du texte sur la fin de vie en deux propositions de loi (PPL) distinctes : une première consacrée à « l’accompagnement et aux soins palliatifs », portée par la députée (EPR) Annie Vidal, et une deuxième ouvrant un « droit à l’aide à mourir », défendue par Olivier Falorni. Après une discussion commune, les députés examineront les deux textes séparément. Un vote solennel sera organisé sur chacun le 27 mai.

Cette procédure en deux temps a un but : rendre possible un vote de rejet du droit à l’aide à mourir tout en préservant les dispositions relatives aux soins palliatifs. Pour cause, adoptée à l’unanimité en commission des affaires sociales le 11 avril, la PPL sur les soins palliatifs devrait l’être sans difficulté dans l’hémicycle.

Libre choix

Les débats sur la deuxième proposition de loi devraient être plus âpres. Une grande partie des élus de la droite conservatrice et extrême sont ontologiquement hostiles à l’aide à mourir. Face à eux, l’écrasante majorité des élus de gauche et du centre se préparent à défendre un texte destiné à offrir une échappatoire digne aux malades incurables en grande souffrance. Une vision à laquelle le gouvernement apporte un soutien mesuré.

Dans un entretien au Parisien ce lundi, la ministre du Travail, de la santé, des solidarités et des familles Catherine Vautrin, qui sera présente dans l’hémicycle tout au long des débats, ne fait pas mystère de sa volonté de « légiférer », mais précautionneusement. « Je recherche un équilibre entre ceux qui voudraient aller beaucoup plus loin et ceux qui estiment que le cadre actuel est suffisant », indique-t-elle, tout en insistant pour que « l’accès à l’aide à mourir soit très encadré ».

Conscient d’avancer en terrain miné, Olivier Falorni a veillé au grain. Lors du passage du texte devant la commission des affaires sociales courant avril, son rapporteur s’est opposé à la plupart des tentatives de desserrer l’accès au droit à mourir. Un impératif pour ne pas effrayer les députés tangents. Parmi les rares modifications adoptées, la plus notable concerne les modalités de l’aide à mourir. Alors que la proposition de loi initiale privilégiait l’administration par le malade lui-même de la substance létale sauf en cas d’incapacité physique, les députés ont décidé de laisser libre le choix entre auto-administration et recours à un soignant pour accomplir le geste. Une option plus proche de l’avis formulé par la convention citoyenne sur la fin de vie en avril 2023, mais qui attise la fureur des contempteurs du projet. Pour Catherine Vautrin aussi, c‘est l’écart de trop. La ministre souhaite que l’auto-administration reste la règle, comme elle le précise au Parisien.

En revanche, les critères d’accès à l’aide à mourir (1), enjeux phare du texte, restent largement inchangés au regard de ce qui avait été acté en séance par l’Assemblée nationale, juste avant la dissolution. A une précision près : une personne victime d’un accident pourra aussi potentiellement y prétendre.

Passes d’armes
Mais la polémique ouverte avec le gouvernement est aujourd’hui éteinte. Il y a un an, à la demande de Falorni, une majorité de députés avaient, contre l’avis de Catherine Vautrin, remplacé le critère de « pronostic vital engagé à court ou moyen terme », initialement retenu par l’Elysée, par celui d’affection « en stade avancé ou terminal ». Une réécriture indispensable à leurs yeux pour garantir l’effectivité du nouveau droit, aucun médecin ne pouvant prédire avec certitude la durée du temps restant à vivre. Les opposants au texte ont dénoncé une réécriture outrancière, propre à déverrouiller outre mesure l’accès à l’aide à mourir.

Invitée en avril 2024 par Vautrin à donner sa position, la Haute Autorité de santé (HAS) a, le 6 mai, apporté de l’eau au moulin d’Olivier Falorni : « Il n’existe pas de consensus médical sur la définition du pronostic vital engagé à moyen terme, ni sur la notion de « phase avancée » lorsqu’elle est envisagée dans une approche individuelle de pronostic temporel », a t-elle tranché. A l’inverse, la « phase avancée », définie par la HAS « comme l’entrée dans un processus irréversible marqué par l’aggravation de l’état de santé de la personne malade qui affecte sa qualité de vie », correspond, selon Falorni, parfaitement à l’esprit de son texte centré sur « la souffrance liée à l’affection ». Par souci de précision, la ministre déposera en séance un amendement reprenant la définition de la « phase avancée » donnée par la HAS.

Il n’y suffira pas pour amadouer les adversaires d’une proposition de loi perçue comme plus permissive que jamais. « Avec ce texte, l’accès à la mort provoquée pourrait concerner un très grand nombre de personnes vivant avec des pathologies chroniques, pilonne déjà la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs, fer de lance des opposants à l’aide à mourir. Comme un avant-goût des passes d’armes à venir dans l’hémicycle.

(1) Etre âgé d’au moins 18 ans ; être Français ou résident en France ; être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée ; être atteint d’une « affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, qui engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale » ; affection générant une « souffrance physique ou psychologique » réfractaire aux traitements ou insupportable.
Pour aller plus loin :