Le Monde.fr : Le débat autour de la fin de vie revient à l’Assemblée avec deux textes distincts sur les soins palliatifs et l’« aide à mourir »
François Bayrou a souhaité cette scission en deux propositions de loi afin de permettre à tous de « pouvoir voter sur chacun de ces deux textes différemment ». Les députés commencent l’examen des textes portés par Annie Vidal et Olivier Falorni, avec l’audition des ministres concernés.
Le Monde avec AFP
Publié le 09 avril 2025
L’hémicycle de l’Assemblée nationale, à Paris, le 12 mars 2025. JULIEN MUGUET POUR « LE MONDE »
Dix mois après avoir vu son examen interrompu par la dissolution de l’Assemblée nationale, le texte sur la fin de vie y fait son retour, mercredi 9 avril, scindé en deux propositions de loi, l’une portant sur les soins palliatifs et l’autre, sur l’« aide à mourir ».
Les députés ont entamé ce matin en commission des affaires sociales l’examen des deux textes, portés respectivement par Annie Vidal (Renaissance) et Olivier Falorni (MoDem), en commençant par l’audition des ministres compétents, Catherine Vautrin et Yannick Neuder. Objectif : « garantir à chacun une fin de vie digne, dans le respect de son autonomie », a résumé Mme Vautrin, ministre de la santé, à l’ouverture.
Malgré l’opposition d’une partie du camp présidentiel, dont la présidente de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet, qui souhaitait conserver un seul texte, le premier ministre, François Bayrou, a imposé cette scission, afin selon lui de permettre à tous de « pouvoir voter sur chacun de ces deux textes différemment ». Mais ces derniers « ne s’opposent pas, [ils] se complètent », a assuré Mme Vautrin.
Intenses controverses concernant le suicide assisté
La proposition de loi sur les soins palliatifs, portée par Annie Vidal et globalement consensuelle, devrait être adoptée sans difficulté. Les controverses se concentreront probablement sur la seconde, déposée par Olivier Falorni. Elle légalise le suicide assisté – et, dans certains cas, l’euthanasie – avec de strictes conditions et sans employer ces termes.
S’il faut « permettre à chaque Français » un accès aux soins palliatifs, l’ouverture d’une aide à mourir est « essentielle pour celles et ceux dont la souffrance (…) ne peut être soulagée », a-t-elle insisté, assurant que cela n’ouvrait pas « une rupture anthropologique » en raison des multiples conditions fixées.
« Notre responsabilité est grande : répondre aux souffrances sans brusquer les consciences », avait souligné en mai la ministre de la santé, Catherine Vautrin, défendant la nécessité de conserver dans le texte le bon « équilibre » sur un sujet complexe, qui touche à l’intime et transcende les clivages politiques. Deux votes solennels sont prévus de manière simultanée le 27 mai, une manière selon M. Falorni de contrer d’éventuelles tentatives d’obstruction.
Les deux propositions de loi sont un quasi copié-collé du projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie, défendu au printemps 2024 par Mme Vautrin, dans l’état où il se trouvait au moment de la dissolution de l’Assemblée. Au terme de deux semaines de discussions dans l’Hémicycle, les députés étaient allés jusqu’à son article 7.
Ils avaient notamment voté son article clé et décidé de créer un droit à une aide à mourir conditionné à cinq critères : être âgé d’au moins 18 ans ; être français ou résider en France ; être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée ; être atteint d’une « affection grave et incurable, qui engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale » ; cette dernière doit provoquer une « souffrance physique ou psychologique » réfractaire aux traitements ou insupportable.
Une définition différente de ce que proposait le texte initial du gouvernement, qui prévoyait que ce pronostic vital soit engagé « à court ou moyen terme » – la difficulté étant de savoir ce que recouvre cette notion de « moyen terme ». Un avis de la Haute Autorité de santé sur le sujet est attendu, qui devrait être publié au début de mai, selon une source parlementaire, avant le début de l’examen dans l’Hémicycle, prévu le 12 mai.
Autres points qui devraient susciter de vifs débats : la question des directives anticipées, certains considérant, comme Mme Vautrin, que le patient doit jusqu’au moment du geste létal être capable d’exprimer son consentement ; la collégialité ou non de la décision – le texte prévoit pour l’instant que celle-ci soit prise par un seul médecin, ce que conteste Yannick Neuder.
Promesse d’Emmanuel Macron
Pour le député LR Thibault Bazin, très impliqué sur cette question, le texte de M. Falorni « ne correspond plus à l’équilibre affiché » par le gouvernement dans son projet de loi initial, et son adoption est incertaine, alors que chaque groupe laissera la liberté de vote à ses membres. M. Falorni estime au contraire que les députés sont parvenus à un « équilibre satisfaisant » et espère que son texte va recueillir une « majorité de suffrages ».
Engagé de longue date pour une fin de vie « libre et choisie », il met en garde les parlementaires qui se livreraient au « petit jeu de l’obstruction » pour empêcher son texte d’aboutir, comme ce fut le cas en 2021, lors de l’examen d’une proposition de loi sur le sujet dont il était déjà le premier signataire. « Ils seraient très mal jugés par l’opinion publique », estime-t-il, alors que la légalisation d’une forme d’aide à mourir était une promesse de campagne d’Emmanuel Macron en 2017.
Le Monde avec AFP