Industrie pharmaceutique

Le Monde.fr : Rupture de stock de médicaments : la situation s’améliore mais reste préoccupante

il y a 1 mois, par infosecusanté

Le Monde.fr : Rupture de stock de médicaments : la situation s’améliore mais reste préoccupante

Fin 2024, 400 médicaments d’intérêt thérapeutique majeur étaient simultanément en rupture de stock, contre 800 fin 2023. Toutes les catégories sont concernées, mais les traitements agissant sur le système cardio-vasculaire, le système nerveux ou encore les antibiotiques sont les plus touchés.

Par Zeliha Chaffin et Delphine Roucaute

Publié le 27 mars 2025

Dans une pharmacie de Riedisheim (Haut-Rhin), le 23 octobre 2023. SEBASTIEN BOZON/AFP
Le nombre de médicaments en rupture de stock ou en tension d’approvisionnement se maintient toujours à des niveaux élevés malgré les nombreuses feuilles de route proposées par les ministres de la santé depuis 2019. Mais la situation s’améliore depuis deux ans, selon une étude publiée jeudi 27 mars par la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques se basant sur les données de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

Selon les déclarations faites par les industriels auprès de l’ANSM, les ruptures de stock, en augmentation importante depuis la pandémie de Covid-19 en 2020, ont connu une accélération très forte jusqu’à atteindre un pic en 2023, avec environ 800 médicaments simultanément en rupture. Pour la première fois depuis cinq ans, une baisse s’est ensuite engagée, pour atteindre au 31 décembre 2024 un niveau de 400 ruptures de stock simultanées – soit le double du pic enregistré en 2020.

Ces données se concentrent sur les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur, c’est-à-dire ceux pouvant mettre en jeu le pronostic vital ou entraînant une perte de chance importante pour les patients, et qui représentent 59 % des médicaments aujourd’hui commercialisés en France. Toutes les catégories de médicaments sont concernées, mais les traitements agissant sur le système cardio-vasculaire, le système nerveux – comme le paracétamol – ou encore les antibiotiques sont les plus touchés.

« Ce n’est pas parfait »
« Les tensions et les ruptures sont une réalité préoccupante pour les patients et tous les acteurs du système de santé », souligne Catherine Paugam-Burtz, directrice générale de l’ANSM, qui se garde bien de prédire si la tendance baissière va se confirmer ou non dans les mois qui viennent. « L’ANSM n’a pas de maîtrise sur une partie du problème », insiste la responsable. En effet, selon les données récoltées par son agence, les causes mises en évidence par les industriels sont liées à un phénomène général de dérèglement des chaînes de production mondiales au moment de la crise du Covid-19, puis en raison de la guerre en Ukraine. Le manque de matières premières n’est en cause que dans 10 % des cas.

Au niveau national, l’activation d’un plan hivernal a permis de limiter les tensions sur certains médicaments ayant connu de longues ruptures, comme l’amoxicilline en 2022-2023. Désormais, une des priorités qui se dégagent des échanges entre professionnels et patients autour de la feuille de route 2024-2027 portée par les ministres de la santé et de l’industrie est la nécessité d’un meilleur partage des informations à tous les niveaux du système de santé. « Pour l’instant, on ne sait pas quels territoires sont les plus touchés, relève Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France. Des tensions au niveau national peuvent se traduire en ruptures de stock totales dans certaines officines, et des patients peuvent se retrouver sans solution. »

« Nous voudrions une tour de contrôle pour savoir où sont les stocks et anticiper les ruptures sèches », renchérit Catherine Simonin, membre de la fédération de patients France Assos Santé, citant les exemples de la quétiapine, un antipsychotique majeur en rupture depuis plusieurs mois, ou du Pegasys, un médicament utilisé dans le traitement de certains cancers et maladies du sang, aujourd’hui en tension.

Au niveau des industriels pharmaceutiques, la mise en place d’un logiciel commun, là où autrefois il existait « autant de fichiers Excel que d’entreprises qui déclaraient des situations de tension ou de rupture », a harmonisé la remontée des données auprès des autorités de santé, observe Laurence Peyraut, directrice générale du LEEM, qui représente les entreprises du médicament en France. Un dispositif qui a facilité le travail d’identification précoce des risques de pénuries. « Ce n’est pas parfait, il y a encore des tensions, notamment sur des médicaments très importants pour certains patients, mais le travail collectif de l’ensemble des acteurs a permis d’améliorer la situation », observe Mme Peyraut.

Système d’information partagé
Un projet de système d’information partagé, piloté par le conseil de l’ordre des pharmaciens, doit ainsi voir le jour d’ici à 2026 pour en étendre la portée aux acteurs de la distribution de la chaîne du médicament, les grossistes-répartiteurs et les pharmacies. « J’espère que les pharmacies des hôpitaux seront aussi destinataires du projet », souligne Nicolas Coste, président du Syndicat national des pharmaciens praticiens hospitaliers et praticiens hospitaliers universitaires. « Souvent on ne découvre les ruptures qu’au moment des commandes », ajoute le pharmacien à l’hôpital de la Timone, à Marseille, où il reçoit une à dix informations de rupture ou contingentement par semaine.

Parmi les solutions mises en place en 2024, un décret a autorisé certaines pharmacies habilitées à produire des médicaments en cas de rupture prolongée du fournisseur. « Nous pouvons produire des préparations magistrales pour pallier le premier niveau de rupture de stock, mais pas l’ensemble de la demande, avance Sébastien Gallice, président de l’association des Pharmaciens des préparatoires de France, qui coordonne une cinquantaine d’officines spécialisées. C’est un système qui permet à tout le monde de s’organiser en attendant que le niveau de production revienne à la normale. »

Les industriels travaillent également avec les autorités sur d’autres mesures, comme le remplacement des notices en papier par un QR code apposé sur les boîtes de médicaments. Son usage offrirait un gain de temps lors du conditionnement en épargnant des arrêts sur les chaînes de production dès qu’un changement de notice s’impose.

Au terme d’une réunion de point d’étape, le 18 mars, les ministères de la santé et de l’industrie ont également annoncé la mise en place d’une feuille de route sur les dispositifs médicaux, des produits hétérogènes allant du pansement au stimulateur cardiaque implantable, en passant par le fauteuil roulant. « C’est un gros enjeu de santé physique, psychique et sociale », insiste Catherine Simonin, évoquant l’exemple des tampons d’incontinence, dont la pénurie empêche certains patients de sortir de chez eux.

Zeliha Chaffin et Delphine Roucaute