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Le Monde.fr : « L’administration Trump met en péril l’accès à la prévention et au dépistage du VIH » Tribune

il y a 1 mois, par infosecusanté

Le Monde.fr : « L’administration Trump met en péril l’accès à la prévention et au dépistage du VIH »
Tribune

Françoise Barré-Sinoussi

présidente de Sidaction

Line Renaud

vice-présidente de Sidaction

Florence Thune

directrice générale de Sidaction

Le démantèlement de l’Usaid voulu par le président américain met la science en danger et menace des millions de vies dans le monde, soulignent, dans une tribune au Monde, Françoise Barré-Sinoussi, Line Renaud et Florence Thune, dirigeantes de Sidaction, qui se tient du 21 au 23 mars.Publié le 21 mars 2025
C’est un véritable coup de massue. Pour la lutte contre le VIH, pour la recherche scientifique, pour la solidarité internationale. Six semaines après une première annonce par Donald Trump de suspension totale de l’aide internationale des Etats-Unis et le démantèlement de l’Agence américaine pour le développement international (Usaid) chargée de sa gestion, c’est finalement une suppression de 83 % des financements consacrés à la solidarité internationale qui a été confirmée le 10 mars.

L’impact sur l’épidémie de VIH sera sans précédent. En 2023, ce sont encore 630 000 personnes qui sont mortes de maladies liées au sida dans le monde et plus de 1,3 million qui ont été contaminées. Pour toute réponse, l’administration américaine met fin au financement de projets de prévention, de soins et de recherche sur tous les continents en indiquant qu’ils ne « relèvent plus de l’intérêt national des Etats-Unis ».

Alors qu’en Afrique, chaque semaine, 4 000 adolescentes et jeunes femmes âgées de 15 à 24 ans sont contaminées par le VIH, des activités destinées au soutien et aux soins d’enfants, de jeunes filles et garçons sont mises à l’arrêt en Afrique australe, région la plus touchée par le VIH dans le monde. En Ukraine, où le système de santé est déjà fortement déstabilisé par la guerre, c’est un vaste programme d’accès au dépistage du VIH et aux soins qui est interrompu.

Parmi les 33 associations soutenues par Sidaction en Afrique et en Europe de l’Est, 21 ont vu, depuis fin janvier, leurs activités terriblement perturbées. Certaines sont aujourd’hui complètement à l’arrêt, comme au Cameroun ou au Burundi, où nos partenaires ont dû interrompre la majeure partie de leurs activités de prévention auprès des travailleuses du sexe. Sont aussi particulièrement concernés les projets visant les personnes LGBT démesurément exposées au VIH dans de nombreux pays.

La recherche profondément déstabilisée
L’administration Trump met également en péril leur accès à la prévention et au dépistage du VIH en ne finançant plus la PrEP, ce traitement préventif extrêmement efficace et porteur d’espoir pour réduire enfin le nombre de nouvelles contaminations dans le monde.

A ces terribles mesures s’ajoute l’arrêt de projets de recherche et d’essais cliniques d’envergure pour de nouveaux outils de prévention et de candidats-vaccins, ainsi que celui d’autres visant à développer de nouvelles stratégies thérapeutiques. Aux Etats-Unis et dans de nombreux pays, la recherche scientifique et la surveillance épidémiologique de pathologies infectieuses sont profondément déstabilisées. La science est en danger et ce sont des millions de vies dans le monde qui sont aujourd’hui menacées.

Les conséquences sont dramatiques, et elles le seront plus encore si le gouvernement américain ne renouvelle pas le 25 mars son soutien à l’initiative Pepfar (President’s Emergency Plan for AIDS Relief), lancée par George W. Bush en 2003, l’un des principaux outils de financement international des traitements contre le sida dans le monde. La menace pèse également sur le principal outil multilatéral de lutte contre les grandes pandémies, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, dont les Etats-Unis sont le premier contributeur.

Lors d’une conférence de Zackie Achmat, fondateur du mouvement Treatment Action Campaign, sur le démantèlement de l’Usaid, au Cap (Afrique du Sud), le 19 mars 2025. GIANLUIGI GUERCIA / AFP
Engagées depuis des décennies dans ce combat contre un virus mortel, nous avons pu mesurer les progrès obtenus grâce à l’immense mobilisation, dans le monde entier, des personnes vivant avec le VIH, de la communauté scientifique, des militants associatifs, ainsi que d’hommes et femmes politiques ayant assumé leurs responsabilités en temps voulu. Si l’administration américaine semble prête à assumer une augmentation certaine du nombre de contaminations par le VIH et de morts du sida, y compris aux Etats-Unis, nous ne nous résignerons pas de notre côté à cette fatalité et poursuivrons sans relâche le combat avec l’ensemble des acteurs et actrices de la lutte contre le sida.

Mais la France doit aussi tenir son rôle. Nous appelons le président de la République et le gouvernement à poursuivre l’engagement historique de notre pays dans ce combat. C’est ce que veulent les Français : face à l’abandon des Etats-Unis, 68 % d’entre eux estiment que l’aide française au développement doit être maintenue, voire renforcée.

Nous avons la conviction profonde que la France fera entendre sa voix. Parce que mettre fin à une épidémie qui a déjà coûté la vie à plus de 40 millions de personnes dans le monde, c’est une question d’intérêt national. Mais c’est aussi, et surtout, une question de solidarité. Une question d’humanité.

Signataires : Françoise Barré-Sinoussi, Prix Nobel de médecine 2008, est présidente de Sidaction ; Line Renaud est vice-présidente de Sidaction ; Florence Thune est directrice générale de Sidaction.

Françoise Barré-Sinoussi (présidente de Sidaction), Line Renaud (vice-présidente de Sidaction) et Florence Thune (directrice générale de Sidaction)