Complementaires santé

Le Monde.fr : Taxe sur les mutuelles : les complémentaires santé dénoncent un tour de passe-passe

il y a 1 mois, par infosecusanté

Le Monde.fr : Taxe sur les mutuelles : les complémentaires santé dénoncent un tour de passe-passe

Après l’abandon du projet de hausse du « ticket modérateur » sur les consultations médicales, le gouvernement promet une taxe de 1 milliard d’euros sur les complémentaires santé. Une décision qui se répercutera sur les cotisations des assurés, menacent ces dernières, opposées à la mesure.

Par Camille Stromboni

Publié le 05/02/2025

C’est un affrontement entre le pouvoir politique et les organismes complémentaires auquel les observateurs du monde de la santé sont désormais habitués, mais qui trouve un écho particulier en 2025. Alors que l’examen du budget de la Sécurité sociale à l’Assemblée nationale a connu un recours à l’article 49.3, lundi 3 février, suspendant les discussions, il est une mesure polémique qui n’aura pas à être débattue : l’augmentation du ticket modérateur, cette somme (le plus souvent couverte par la mutuelle) restant à la charge du patient sur les consultations médicales et les médicaments.

Cette hausse était décriée de toutes parts dans l’Hémicycle. « La mesure de déremboursement de certains médicaments et consultations ne sera pas reprise », avait assuré François Bayrou, dès sa déclaration de politique générale, le 14 janvier. Une concession relevée dans les rangs socialistes, comme l’une de celles justifiant de ne pas voter la censure. Un « geste » en faveur de la santé et du pouvoir d’achat des assurés, qui échapperont ainsi aux répercussions attendues d’une telle hausse sur leurs cotisations versées aux complémentaires santé. Un impact que ces dernières avaient immédiatement évoqué.

Mais la concession n’est-elle pas en trompe-l’œil ? Dans les rangs des complémentaires santé, des voix s’élèvent pour dénoncer cette autre mesure évoquée désormais par l’exécutif et qui pourrait avoir le même effet. Catherine Vautrin a confirmé les intentions du gouvernement : « Nous allons récupérer 1 milliard d’euros via un texte adopté en marge des textes financiers qui augmentera la contribution des complémentaires et des mutuelles », a déclaré la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, dans Le Parisien, dimanche 2 février. La piste d’une nouvelle taxe qu’elle avait déjà avancée à la mi-janvier, évoquant une « restitution » qui sera demandée aux complémentaires.

Débats budgétaires
« C’est logique, a défendu Mme Vautrin, le 2 février. Car, en prévision d’une hausse des tickets modérateurs, les mutuelles avaient augmenté leurs tarifs. On ne touche pas aux tickets modérateurs, donc on va récupérer l’argent », a-t-elle avancé, sans préciser encore les contours du dispositif.

Pourquoi 1 milliard d’euros ? La hausse du ticket a beau ne pas être inscrite dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale – cela relève du niveau réglementaire, et non du législatif –, elle faisait partie des sources d’économies annoncées par l’exécutif pour atteindre les équilibres de ce budget à l’automne 2024. Avant d’être abandonnée, elle avait été initialement envisagée par le gouvernement comme une hausse de dix points du ticket pesant seulement sur les consultations médicales – il serait alors passé de 30 % et 40 % du tarif –, afin de dégager plus de 1 milliard d’euros pour le budget de l’Assurance-maladie. Elle a finalement été annoncée le 18 novembre dans l’Hémicycle par l’ex-ministre de la santé, Geneviève Darrieussecq, sous la forme de deux hausses, de cinq points chacune, sur les consultations et les médicaments, avec 900 millions d’euros d’économies en vue.

Autant d’économies synonymes de « transferts de charge » – selon le terme technique – vers les complémentaires santé, ces dernières couvrant, dans la grande majorité des contrats, l’intégralité de ces « tickets » auprès de leurs assurés. Un dernier recul était intervenu en fin de discussions budgétaires, lors de la commission mixte paritaire de novembre 2024 : les médicaments n’allaient plus être concernés, avait promis l’ancien premier ministre Michel Barnier, avant de voir son gouvernement tomber à la suite d’une motion de censure sur le texte.

Mais l’argumentaire justifiant la nouvelle taxe annoncée est dénoncé chez les complémentaires santé. Il faut dire que la détermination de leurs tarifs de l’année suivante – + 6 % en moyenne pour 2025, selon l’enquête publiée en décembre 2024 par la Mutualité française – intervient durant l’été pour la majorité d’entre elles. Autrement dit : avant même que la hausse du ticket modérateur n’ait été évoquée pour la première fois, à l’automne, dans le cadre des débats budgétaires.

« Nous avons décidé nos tarifs 2025 à la fin du mois de septembre 2024 », précise Thomas Saunier, directeur général de Malakoff Humanis. Un choix qui dépend des déficits antérieurs, de l’évolution des dépenses de santé et de diverses mesures telle la hausse du tarif de la consultation chez le généraliste à 30 euros ou encore celle des prises en charge sur les soins bucco-dentaires. « Nous n’avons absolument pas pu prendre en compte cette hausse du ticket modérateur qui n’était pas encore annoncée. »

Scénarios de nouvelles taxations
« C’est surréaliste », étrille le patron de la Fédération nationale de la Mutualité française, Eric Chenut, soulignant l’obligation réglementaire, pour les contrats collectifs, de communiquer les nouveaux tarifs aux employeurs au 1er octobre. « Je regrette que Mme Vautrin ne nous entende pas, mais c’est un principe de réalité, ajoute-t-il. Cette nouvelle taxe, c’est un transfert qui ne dit pas son nom et un transfert vers les ménages du définancement de l’Assurance-maladie. Une fois encore, cela ne règle rien et on ne se met toujours pas autour de la table pour savoir comment garantir la soutenabilité de notre système de protection sociale. »

Voilà plusieurs années que l’exécutif décide de transferts de charge de l’Assurance-maladie vers les mutuelles, dénoncés par celles-ci. Dernier en date, l’augmentation du ticket modérateur sur les soins bucco-dentaires, acté en 2023, qui a représenté un transfert de 500 millions d’euros, selon les complémentaires. Leurs tarifs augmentent très fortement depuis 2023 (+ 8 % selon l’enquête de la Mutualité pour l’année 2024), malgré les appels des pouvoirs publics à la modération. Leurs frais de gestion, bien supérieurs à ceux de l’Assurance-maladie, sont régulièrement mis en cause, ce que les mutuelles contestent.

Aujourd’hui, parmi les scénarios de nouvelle taxation évoqués dans la presse, figurerait la hausse de la taxe de solidarité additionnelle, auxquelles sont soumises les complémentaires santé. Dans un communiqué en date du 27 janvier, signé par les trois fédérations représentant les mutuelles, les institutions de prévoyance et les assureurs (La Mutualité Française, le Centre technique des institutions de prévoyance, France Assureurs), les complémentaires santé se sont d’une même voix élevées contre ce « projet de l’Etat de taxer la santé au détriment du pouvoir d’achat des Français ». « Les complémentaires ne disposent pas de réserves d’argent cachées. Cette taxe serait donc forcément payée par les assurés et les entreprises à travers une hausse de leurs cotisations », préviennent-elles.

Au cabinet de Mme Vautrin, on maintient le cap. « Nous demandons des efforts à tous dans le cadre de ce budget de la Sécu, il est normal que les mutuelles participent, d’autant plus qu’une partie d’entre elles ont augmenté leurs tarifs de manière injustifiée », avance l’entourage de la ministre.

Camille Stromboni