La Tribune.fr : Les finances de l’hôpital public n’ont jamais été aussi dégradées
La Fédération Hospitalière de France (FHF) a fait état d’un déficit structurel de l’hôpital public dépassant les 2 milliards d’euros, principalement causé par l’inflation. Pour assainir les finances, l’institution réclame une augmentation de 6% du budget 2025.
Marie Nidiau
04 Sept 2024, 16:47
Sur le terrain, 39% des hôpitaux voient une dégradation de la situation des urgences cet été par rapport à 2023 et 46% ne voient aucun changement.
Sur le terrain, 39% des hôpitaux voient une dégradation de la situation des urgences cet été par rapport à 2023 et 46% ne voient aucun changement. (Crédits : Reuters)
C’est une situation qui finit par devenir une habitude. Chaque été, l’hôpital public subit une pression monstre aux urgences, en raison de la fermeture d’un grand nombre d’établissements de santé et des départs en vacances des médecins de ville. Sur le terrain, 39% des hôpitaux questionnés constatent une dégradation de la situation des urgences cet été par rapport à l’année passée, et 46% ne voient aucun changement, rapporte un sondage de la Fédération des hôpitaux de France (FHF).
Au-delà des difficultés récurrentes aux urgences l’été, ce sont les moyens financiers qui commencent sérieusement à inquiéter. Il faut dire que la situation politique du pays - dans l’attente d’un nouveau gouvernement depuis cinquante jours - ne rassure pas.
« Ce blocage politique arrive au pire moment, regrette Arnaud Robinet, président de la FHF. La situation financière n’a jamais été autant dégradée. »
Et pour cause, le déficit structurel des hôpitaux publics doit s’établir à 2 milliards d’euros en 2024, en grande partie en raison de l’inflation. Pour rappel, ce déficit s’établissait entre 550 à 650 millions d’euros avant la pandémie. Or, ces établissements de santé ne peuvent pas être à découvert. Résultat, les délais de paiement se sont rallongés et l’investissement a diminué.
Pour combler ces dépenses, la FHF demande une augmentation de 2,3% de l’objectif national de dépenses d’Assurance-maladie (Ondam, dans le jargon budgétaire) prévu pour 2024, soit un total de 108 milliards d’euros pour 2024 au lieu des 105,6 milliards prévus. En parallèle, l’institution a également réclamé un budget en hausse de 6% en 2025, à 111,9 milliards d’euros, en amont des discussions autour du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), prévues normalement à l’automne.
« Aujourd’hui, nous soignons à perte », déplore Zaynab Riet, déléguée générale de la FHF.
85% des EHPAD publics en déficit
Dans le détail, la dégradation de la situation financière des EHPAD publics et des établissements accompagnant les personnes handicapées (ESMS) inquiète particulièrement. Au total, 85% d’entre eux accusent un déficit cumulé d’environ 1,3 milliard d’euros. Bien que les financements aient légèrement progressé en 2024, de 3,5% en moyenne, la FHF s’inquiète de l’évolution de ces structures, à l’heure où la population française vieillit. D’ici 2030, le nombre de Français de 75 à 84 ans va augmenter de 50%.
Pour améliorer la situation, la FHF réclame ainsi un « dégel » de la réserve prudentielle, soit la marge de sécurité que se laisse généralement l’Etat lors du versement des dotations, estimée cette année à 134 millions d’euros. L’institution évalue qu’il faudra augmenter de 6% l’objectif global de dépenses médico-social de 2025 pour redresser la situation.
Même constat de la part du principal syndicat des EHPAD privés, le Synerpa. Ce dernier demande une revalorisation des métiers et des conditions de travail, afin de susciter des vocations dans un marché extrêmement tendu. En tout, plus de 400.000 personnes devront être recrutées d’ici la fin de la décennie, principalement du personnel soignant, estime le syndicat.
Le besoin de recrutement persiste
« La mère des batailles reste les ressources humaines », a d’ailleurs confirmé Arnaud Robinet. Cet été encore, le manque de personnels médicaux apparaît comme la deuxième difficulté rencontrée, après le manque de lits. En tout, 98% des établissements de santé déclarent rencontrer des soucis de recrutement, principalement en gériatrie, aux urgences, en psychiatrie ou encore en médecine générale.
Néanmoins, l’hôpital public constate une légère amélioration des postes vacants parmi les aides-soignants et les infirmiers entre 2023 et 2022. Plus récemment, les 1.500 postes d’internes supprimés à la rentrée ont fait polémique, alors que les hôpitaux publics manquent de personnels soignants.
« Ce n’est pas la suppression, mais plutôt que le nombre de postes est adapté au nombre d’internes candidats. Nous sommes sur une croissance du nombre d’internes dans les hôpitaux depuis plusieurs années et il devrait y en avoir 11.000 nouveaux en 2025 », a tenu à rassurer Arnaud Robinet.
De nombreux points de tension concernant les finances et les ressources humaines étaient par ailleurs abordés dans la Loi bien vieillir, promulguée en avril dernier et dont la publication des décrets reste en suspens à cause de la situation politique. Cette dernière inquiète les professionnels de santé. « Nous travaillons en amont, mais ça urge un peu là », s’impatiente le président de la FHF. D’après certains médias, la présentation du projet de budget de l’Etat pourrait être retardée de 15 jours par rapport à sa date butoir du 1er octobre, entraînant dans son retard le projet de loi de financement de la Sécurité sociale.
Marie Nidiau